Amputation au XVIIIième
Une amputation au XVIIIe. Bien qu’il soit rare que la cause du décès soit mentionnée dans les actes de sépultures de Bourg-Pol-Muzillac, on y trouve parfois [...]
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Qui a tué le maire de Lauzach ?
En 1790 Lauzach est érigée en commune, rattachée au canton de Muzillac et au district de La-Roche-Sauveur (La-Roche-Bernard). Dès septembre 1792, Julien Le Chastellier, laboureur, en est le maire; il sera le premier magistrat a enregistré les actes de naissance, de mariages et de décès dans les registres de l’état-civil lauzachois. A cette époque, les agents municipaux (maires) sont élus au suffrage direct pour 2 ans et rééligibles par les citoyens actifs de la commune, contribuables payant une contribution au moins égale à 3 journées de travail dans la commune. Sont éligibles ceux qui paient un impôt au moins équivalent à dix journées de travail.
Vendredi 20 floréal de l’an II [9 mai 1794], c’est jour de foire à Muzillac. L’affluence est grande dans les rues, sur les places du Marché et Saint-Julien rebaptisée place de La Liberté. Le marché muzillacais est réputé ; les habitants des villes et des campagnes environnantes, font de nombreux kilomètres pour y assister. Parmi eux se trouve Julien Le Chastelier qui fête ce jour-là ses 35 ans : il est né le 9 mai 1759 à Lauzach fils de Morice et Renée Benoist.
Au soleil couchant, vers 19h00, Julien Le Chastellier quitte la foire de Muzillac pour s’en retourner chez lui. Pour parcourir les 8 kilomètres qui séparent Muzillac de Lauzach, Julien doit traverser les villages muzillacais d’Hinzal, du Grand-Néant , du Petit-Néant,du Petit-Coléno, puis les villages Noyalais de Logoren et de Trébenan avant d’atteindre la campagne lauzachoise.
Mais Julien n’arrivera jamais à Lauzach. Le lendemain matin, 21 floréal, son corps inanimé est découvert par Jean Le Corre, jeune pâtre de 17 ans, près du village de Trémouard en Muzillac.
L’instruction de cette affaire est confiée au juge de paix du canton de Muzillac. Le 11 août 1790 l’Assemblée Constituante créé la justice de paix, une juridiction de proximité. Le juge de Paix est élu par les citoyens actifs du canton. Sur le canton de Muzillac il s’agit de Nicolas Le Cueff. Il est aussi aubergiste à La Croix Verte, située en ce temps-là sur la place Saint-Julien.
Dès le 21 floréal après-midi, un officier de santé, Jean Baptiste Etienne Gueric chirurgien au 1er Bataillon de Seine-et-Oise, est requis par Nicolas Le Cueff pour autopsier le cadavre du maire de Lauzach. Voici son compte-rendu :
« L’an deuxième de la République française une et indivisible le 21 floréal . Moy Jean Baptiste Etienne Gueric officier de santé au 1er Bataillon de Seine et Oise ayant été requis par le citoyen Le Cuef juge de paix de la Commune de Musilliac département du Morbihan pour me transporter au village du Petit Néant Commune de Bourrepole distant de trois quart de lieu de Muzilliac pour y constater la mort d’un homme que l’on soupconoit avoir été assassiné étant arrivé au dit lieu vers les cinq heures du soir j’ai procédé a la recherche et examen des blessures et ai reconnu que toute la surface du tronc et des membres étoient absolument intacte une plaie très large et non sanglante à la partie sup[erieu]re du col coupant transversalement les teguments au niveau de la mâchoire inferieure et pénétrante jusqu’au farinx sans intérêt sur les cartilages ni ver les principaux vaisseaux tant arteriels que veineux et ne portant aucune atteinte aux voix aériennes. Cette plaie m’a paru avoir été faite par un instrument très tranchant et son état de sécheresse et non sanglante me porte à croire quelle n’a été faite qu’après la mort du sujet ou du cadavre. la face ainsi que la tête étoient au contraire très sanglantes les lèvres violettes une plaie contuse et triangulaire au coté gauche de la lèvre supérieure une piqure assez pénétrante au dessus de l’œil et sur le bord sup[erieu]re de l’os de la pomette droite. Une contusion avec fracture et délabrement extrême des os propres du nez a laquelle je pourois seule attribuer sa cause de la mort. une plaie demi circulaire vers le bord sup[erieu)re et gauche du coronal sur la suture coronal. Une plaie contuse et irrégulière à la bosse pariétale gauche. Trois plaies contuses et irrégulières vers la partie post[erieu]re et la suture sagitale du coté gauche ; Le tout observé en mon âme et conscence en présence des citoyens Le Cuef juge de Paix, Bro[h]an greffier,. Brockert Maréchal des Logis de la gendarmerie, et Girard gendarme. Au village du Petit-Néant le 21 floréal vers les cinq heures du soir l’an deuxième de la république française une et indivisible.
Gueric Chirurgien du 1er Ba[aill]ion de Seine et Oise. »
Les 21, 22 et 23 floréal [10, 11 et 12 mai], le Juge de paix entend les témoins suivants :
– Jean GUIDOUX meunier d’ Hinzal [moulin de Trebiguet]en Bourg-Paul.
– Margueritte TUAL du Petit-Neant en Bourg Paul, 25 ans.
– Thomas TUAL laboureur du Petit Neant en Bourg Paul, 33 ans.
– Jean LE JALLé laboureur du Grand-Neant en Bourg Paul, 34 ans
– Yvonne BOËFFARD femme d’Yves LAUDRAIN du Petit Bodo en Berric, 42 ans
– Jeanne LAUDRAIN fille du témoin précédent, demeurant au Petit Bodo en Berric 26 ans
– Jean TRICOT maréchal du Bourg de Lauzach, 33 ans
– René DANIEL maréchal du Bourg de Lauzach, 24 ans
– Jean LE CORRE de Trémouhart en Bourg Paul, 17 ans
– Jean LE DOUAIRIN tailleur d’habits de Kerdaniel en Lauzach ,53 ans
Le recoupement de ces témoignages permet d’établir le scénario suivant.
Yvonne Boëffart et sa fille Jeanne Laudrain de Berric quittent le marché de Muzillac vers 19h30. Arrivées au village de Kerantart elles rencontrent le maire de Lauzach. Celui-ci invite les deux femmes à boire « une chopine de vin » dans l’auberge du Petit Néant tenue par Marguerite Tual.
Dans la salle de l’auberge d’autres citoyens sont présents. Des échanges verbaux ont lieu entre quelques clients et le maire : ce dernier les traite de brigands.
Jean Tricot, maréchal de Lauzach, arrivé peu de temps après dans l’auberge, confirme la présence de quatre hommes habillés en blanc, âgés d’environ 20 ans à 30 ans.
Le maire quitte le cabaret avec ses deux accompagnatrices. Arrivés à hauteur du champ de Tremouhar, le maire s’arrête pour « gâter de l’eau » précise Jeanne Laudrain. Trois hommes, habillés en toile blanche, muni d’un morceau de bois pour l’un d’eux, s’en prennent au maire. Yvonne Boëffart et sa fille Jeanne continuent leur chemin ; de nuit elles ne peuvent reconnaître les agresseurs du maire.
René Daniel, autre maréchal de Lauzach, ayant quitté l’auberge avant l’arrivée du maire et patientant aux alentours, s’enfuit en voyant l’un des quatre présents dans l’auberge suivre le maire.
La cabaretière du Petit-Néant, Marguerite Tual, déclare lors de sa première audition, qu’aucune altercation n’a eut lieu entre le maire et les clients de l’auberge. Thomas Tual, le frère de Marguerite, arrivé plus tard de la foire, tient le même discours. Mais dès le lendemain, après une confrontation avec les autres témoins, Marguerite Tual avoue avoir été menacée de mort par les assassins du maire si elle dévoilait leurs présences le soir du meurtre.
Elle cite les trois suspects qui ont suivi le maire en sortant du cabaret :
Joseph Guillet de Kerdouret à Bourg Paul, déserteur de la première réquisition [1793],
dont le père est en prison ; il est tonnelier et laboureur.
Jean Clodic de Bourg-Pol
un autre dont elle ne connaît pas le nom.
Marguerite et Thomas Tual seront conduits à la maison d’arrêt de la Roche-Sauveur (La Roche-Bernard) suite à leur faux témoignage. Quelques années plus tard Thomas Tual est scieur de long à Vannes.
Quant aux assassins du maire, point de traces de leur arrestation ou de leur jugement dans les dossiers étudiés.
Transcription :
Vingt un floréal mil sept cent quatre ving treize l’an seconde de la République française Nicolas Le Cueffe
juge de paix du canton de Bourg Paul Muzillac
mayant reunie un extrait du procés verbal raporter
par lui et un officier de santé qui constate que le matin
de ce jour le corps de Julien Le Chastellier agé de
trante cinq ans laboureur et originaire et domicilié
de la commune de Lauzac avoir été trouvé percé de
coups près le vilage du Petit Neant, mois Guillaume
Mauduit officier publique de la municipalité de
Bourg Paul Muzillac a dresser le présant acte de décès
Le jour et an que dessus et signe sur le registre Guillaume Mauduit Officier publique
J ai soussigné et certifie le présant conforme
au registre la c…Lauzac le onze messidor l’an [dimanche 29 juin 1794]
seconde de la république française une indivisible.
Le Guillanton officier
Sources :
– Archives départementales du Morbihan, série Lz
– Etats-civils de Lauzach et de Muzillac
– Dessins d’Hyppolyte Lalaisse
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