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Fusillé pour l’exemple Elie LESCOP 1914

  Au cours du dernier trimestre 2016 le nom d’Elie-Marie Lescop a été ajouté sur le monuments au morts de Muzillac. En voici les raisons. Au cours de la première guerre mondial des soldats, plus tard dénommés les «fusillés pour l’exemple», furent passés par les armes après des conseils de guerre improvisés et sommaires et sous des prétextes divers: sentinelle endormie, insulte à officier, battue en retraite sans autorisation, mutinerie, désertion, mutilation volontaire… Le nombre des fusillés pour l’exemple est évalué à plus de 600 pour plus de 2 500 condamnations à mort prononcées sur 140 000 jugements (chiffres du Sénat).   Parmi ces fusillés figure un muzillacais : Elie-Marie Lescop. Elie-Marie Lescop est né le dimanche 3 décembre 1882 à Muzillac, au village de Coëtsurho, sous le nom Le Guenne, nom de sa mère Marie Françoise cultivatrice. Elle épouse François Marie Lescop, laboureur,  le mercredi 17 octobre 1883 à Muzillac. Le même jour Elie-Marie est reconnu par son père. Il vit les premières années de sa vie à Coëtsurho puis au Grand Coléno. Elie-Marie est l’aîné d’une grande famille de 10 enfants. Du 15/11/1903 au 18/09/1905 il effectue son service militaire dans le 95e régiment d’infanterie. Très tôt il quitte Muzillac pour rejoindre Rennes. Les mentions inscrites sur le registre des matricules militaires nous apprennent qu’il y habite dès 1908. Il exerce les métiers de cultivateur à Coëtlogon (1909), manœuvre (1909) puis marchand de légumes (1911). Un autre document signale qu’il est employé comme garçon de bureau à la mairie de Rennes en 1914. Le 27/10/1909 à Rennes, il épouse Anne Marie Redoublé ; de cette union naîtra en 1910 une fille prénommée Elise. En 1909 et 1912, comme tous les appelés de l’époque, il accompli des périodes d’exercices militaires au 116e régiment d’infanterie. Quand sonne l’heure de la mobilisation générale, âgé de 32 ans, Elie-Marie est rappelé au 336e régiment d’infanterie de réserve basé à Saint-Lô. Ce régiment combat dès août 1914 en Belgique puis participe à la bataille de la Marne en septembre. En octobre il est localisé à Souain dans la Marne. C’est dans une tranchée à Souain qu’Elie-Marie sera blessé par balle à la main gauche. A l’hôpital de Châlons-sur-Marne il est examiné par le docteur Buy qui conclut à une présomption de mutilation volontaire. Condamnation En conséquence Elie-Marie Lescop est traduit devant le Conseil de Guerre permanent du quartier général de la 4e armée.   Le 18 octobre il est condamné à la peine de mort pour abandon de poste devant l’ennemi. Les autorités militaires ayant le droit, à cette époque, de faire exécuter les sentences de mort sans attendre l’avis du Président de la République, Elie-Marie Lescop est exécuté le lendemain sur le champ de tir de Châlons-sur-Marne.  

Cette photo a été reprise par différents médias écrits français, car il s’agit probablement d’une des seules photographies montrant une exécution pendant la Première Guerre mondiale.L’habillement des soldats français sur la photographie date du début de la Première Guerre mondiale, en 1914 ou en 1915.Réhabilitation. Un mouvement pour la réhabilitation des « fusillés pour l’exemple » débute dès la fin de guerre mais seules quelques réhabilitations isolées sont obtenues beaucoup plus tard. Ce fut le cas pour Elie-Marie Lescop en 1934, 20 ans après son exécution. Voici un extrait de l’arrêt de la Cour spéciale de justice militaire. « Au nom du peuple français,
La cour spéciale de justice militaire a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
Ce jourd’hui 17 novembre 1934,
La cour …s’est réunie dans le lieu de ses séances, en audience publique, à l’effet de procéder, conformément à ladite loi du 9 mars 1932, à la révision du jugement prononcé le 18 octobre 1914, par le conseil de guerre du quartier général de la 4e armée, ayant condamné le nommé Lescop (Elie Marie), né le 3 décembre 1882, à Muzillac garçon de bureau, soldat du 336e régiment d’infanterie, à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l’ennemi.

La cour spéciale de justice militaire,

Vu le précédent arrêt de cette cour du 12 mai 1934, ordonnant un supplément d’information, après avoir déclaré recevables en la forme; les requêtes par lesquelles les dames Lescop (Elise), demeurant 129, rue de Nantes, à Rennes, fille du soldat Lescop et Redouble (Anne-Marie), épouse Sauget, épouse en premières noces de Lescop (Elie Marie), demeurant 8, rue Saint-Hélier, à Rennes, demandent, en vertu de la loi du 9 mars 1932, la révision du jugement du conseil de guerre du quartier général de la 4e armée qui a, le 18 octobre 1914, condamné à la peine de mort, pour abandon de poste en présence de l’ennemi, le soldat Lescop (Elie Marie), du 336e régiment d’infanterie, né le 3 décembre 1882, à Muzillac, père et mari des requérantes :
 
Attendu qu’à une date de septembre ou octobre 1914, que la procédure ne permet pas de préciser, alors qu’il se trouvait dans un élément de tranchée dans le secteur de Souain, ayant à ses côtés son chef de section, le sergent Dubost, Lescop (Elie Marie), soldat réserviste au 336e régiment d’infanterie, a été blessé par coup de feu à la paume de la main gauche ;

Qu’après s’être rendu sur les ordres de son commandant de compagnie, le capitaine Lebesnerais, au poste de secours à Suippes, pour y être pansé, il a été conduit à l’hôpital de Châlons-sur-Marne, où le médecin principal de 2e classe Buy, médecin-chef de l’hôpital d’évacuation n°2, a délivré à la date du 8 octobre 1914, un certificat qui constate que le soldat Lescop (Elie) est atteint de plaie récente par éclatement de la paume de la main gauche par arme à feu ;

Attendu que ce certificat entièrement rédigé à la polycopie, à l’exception des noms et prénoms de Lescop et de l’indication de la perforation récente de la paume de la main, conclut que le tatouage très net des bords de la plaie prouve que le coup a été tiré à bout portant, la présomption de mutilation volontaire ressortant de ce que l’orifice d’entrée du projectile et le tatouage siègent du côté de la paume de la main ;

Attendu que, sans qu’il ait été procédé à aucune mesure d’information, sur l’ordre de mise en jugement directe, Lescop a été traduit, le 18 octobre 1914, devant le conseil de guerre du quartier général de la 4e armée, qui a statué sur le vu du certificat médical du docteur Buy et d’un écrit au crayon signé du nom de Lescop, dans lequel celui-ci indique qu’étant en première ligne depuis quatre jours, il avait le quatrième jour, vers huit heures du matin, l’ennemi continuant à tirer, voulu faire un petit créneau dans la tranchée assez profonde, afin de placer son fusil et qu’à ce moment il avait reçu la balle « sur le haut de la tranchée ».

Attendu que les notes d’audience ne figurent pas à la procédure ;

Attendu que condamné à la peine de mort à l’unanimité des voix, Lescop a été passé par les armes le lendemain 19 octobre ;

Attendu que postérieurement à la condamnation, au cours du supplément d’information ordonné par la chambre des mises en accusation de la cour d’appel d’Orléans saisie de la précédente requête en révision, le témoin Dubost (Jean), médaillé militaire, ancien sergent au 336e régiment d’infanterie, qui avait à ses côtés et sous ses ordres le soldat Lescop, a fait connaître dans quelles circonstances celui-ci avait été blessé ;

Attendu que, confirmant à l’audience de la cour spéciale de justice militaire ses précédentes déclarations, il a précisé que, Lescop ayant fait feu dans la direction de l’ennemi (distant de 300 à 400 mètres), une rafale de balles s’est abattue sur l’élément de tranchée peu profond qu’il occupait avec Lescop, qu’à ce moment celui-ci, qui se trouvait à cinquante centimètres de lui, a poussé un cri et qu’il a constaté qu’une balle venait de lui traverser la main gauche ;

Attendu que le témoin affirme sa certitude que cette blessure a été occasionnée par une balle ennemie ;

Attendu que, tout en déclarant que le soldat Lescop n’a pu être tatoué par une balle allemande tiré à 300 mètres, le docteur Torchaussée (Henri), ancien médecin-chef du 336e rég. d’infanterie, entendu par le magistrat instructeur près la cour spéciale de justice militaire, n’en a pas moins envisagé comme possible que Lescop se soit blessé lui-même avec son fusil croyant de bonne foi avoir été blessé par une balle allemande ;

Attendu qu’il n’est pas possible de faire état de la lettre tracée au crayon jointe à la procédure du conseil de guerre, le seul examen de ce document permettant d’affirmer qu’il n’a été écrit, ni signé, de la main de Lescop ;

Que l’on peut d’autant moins tirer argument de l’invraisemblance ou de l’inexactitude des déclarations ainsi attribuées à Lescop ; qu’il est constant que celui-ci, sans être un dément au sens de l’article 64 du code pénal, était peu intelligent, sombre et taciturne, ayant donné l’impression de ne pas jouir de la plénitude de ses facultés mentales ;

Attendu, d’autre part, que les conditions dans lesquelles a été établi le certificat médical du docteur Buy ne permettent pas de retenir avec certitude la mutilation volontaire ;

Attendu qu’en l’état l’abandon de poste n’est pas suffisamment prouvé, qu’en tout cas un doute subsiste et que, comme conséquence, le jugement de condamnation ne peut être maintenu ;

Annule le jugement du conseil de guerre du quartier général de la 4e armée qui a condamné; le 18 octobre 1914, le soldat Lescop (Elie Marie), à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l’ennemi ;

Déclare Lescop acquitté de la condamnation retenue contre lui ;

Décharge sa mémoire de la condamnation prononcée ;

Ordonne l’affichage du présent arrêt dans les lieux déterminés par l’article 446 du code d’instruction criminelle et son insertion au Journal officiel ;

Ordonne également que le présent arrêt sera transcrit sur les registres du conseil de guerre et que mention en sera faite en marge du jugement annulé ;

Et, statuant, sur les conclusions prises devant la cour, par la demoiselle Lescop (Elise), fille du soldat Lescop, et la dame Redouble (Anne Marie), épouse Sauget, épouse en premières noces du soldat Lescop, aux fins d’allocation de 4 000 et de 6 000 fr. à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que la condamnation prononcée injustement contre Laurent ( ?)  a causé à sa fille et à sa veuve un préjudice dont il leur est dû réparation, que la cour de justice possède des éléments suffisants pour déterminer l’importance de ce préjudice,

Condamne l’Etat à payer à titre de dommages-intérêts :

1° A demoiselle Lescop (Elise), demeurant 129, rue de Nantes, à Rennes, la somme de 3 000 fr. ;

2° A dame Redouble (Anne Marie), épouse Sauget, demeurant 8, rue Saint-Hélier, à Rennes, dûment assistée et autorisée par son mari, la somme de 2 000 fr. ;
Dit que les frais de la publicité ci-dessus prescrite, ainsi que les frais de l’instance en révision seront à la charge de l’Etat,

Ainsi jugé et prononcé, les jours, mois et an que dessus. » 

 L’Ouest-Eclair de novembre 1934.  Désormais le nom d’Elie-Marie est gravé à côté de celui de son frère Jean-Marie « Mort pour la France » le 26 juin 1915 à Roclincourt (Pas-de-Calais) et de son cousin germain François « Mort pour la France » le 7 novembre 1914 à Mesnil-Hamel (Somme). Un autre de ses cousins germains, Jean-Marie est « Mort pour la France » le 29 septembre 1914 à Maricourt (Somme); domicilié à Paris, son nom est inscrit sur une plaque commémorative située dans l’église Saint-Charles-de-Monceau (17e). Sources :– Registres militaires en ligne sur le site des A.D.M– Registre d’état civil de la ville de Muzillac– « Les fusillés de la grande guerre »,Nicolas Offenstadt, Odile Jacob, 2009.– Ouest-Eclair

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