Un mandarin à Muzillac

En 1904, venait s’établir à Muzillac, au château de Pen- Mur, Auguste François ancien consul de France dans la province du Yunnan (Chine).
Ce Lorrain, aujourd’hui peu connu, a pourtant fait l’actualité à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, notamment par ses interventions diplomatiques et humanitaires lors des soulèvements de 1900, en Chine. Son consulat fut assiégé et pillé par les émeutiers chinois. Le sang-froid dont il fit alors preuve et qui valut la vie sauve à tous les natio- naux qu’il avait regroupés, lui mérita, un moment la célébrité. Un article de la revue « l’Illustration » de l’époque le désigne comme héros national. En effet, son sens de la négociation et le respect des coutumes locales l’ont fait appeler par les Asiatiques le « Mandarin Blanc ». C’est un ami qui lui proposa un poste au Ministère des Affaires Etrangères avec affectation immédiate en Indochine. La conquête de l’Indochine se terminait, et les frontières avec la Chine étaient très vagues. Aussi commença-t-il sa carrière diplomatique au Tonkin (résidant de France à Son-Tay, au nord de Hanoï), pour être ensuite affecté au Yunnan en Chine. En 1894, il fut envoyé dans le cadre d’une mission consulaire au Paraguay (chez les Guaranis), avant de retourner en Chine. Photographe passionné, il réalisa les meilleurs clichés d’une Chine encore intacte des influences étrangères. Dès 1901, six ans après l’invention du cinématographe, il tourna au Yunnan des images d’un intérêt ethnographique indéniable. Ses photos et films sont uniques, et servent aujourd’hui de référence dans les archi- ves chinoises. Homme d’action et visionnaire, il dénoncera l’approche colonialiste occidentale dans cette partie du Sud-est asiatique, tout en promouvant des tra- vaux permettant le développement économique de cette région. C’est lui qui fut chargé des études préparatoires concernant la ligne ferroviaire du Yunnan reliant Kunming en Chine à Haïphong au Tonkin. Paradoxalement, ce train allait servir presque cinquante ans plus tard à l’acheminement de matériel aux troupes Viet-Minh du général Giap, engagées dans la bataille décisive de Dien-Bien-Phu. En 1904, suite à des divergences avec la politique coloniale menée par le gouvernement, il demanda à bénéficier de ses droits à la retraite, et se retira au château de Pen-Mur en Muzillac. Sa passion pour la chasse et la photographie pourra s’exprimer pleinement, ainsi que son talent d’écrivain. C’est durant son séjour dans notre commune qu’il épousera en 1907 Hélène de Mallmann. La longue correspondance qu’il entretint avec cette dernière, résidant à Paris durant la période de fiançailles, et rédigée à Pen- Mur, permet de découvrir un remarquable épistolier. Une description de la campagne muzillacaise : “Pour moi, qui éprouvais un besoin de calme, je me suis établi dans cette retraite bretonne de Pen-Mur pour y détendre mon esprit, reprendre contact graduellement avec mes semblables….”. “Vivement les ombrages de Pen-Mur et les zéphyrs de son lac!…”. “Comme mon mot de hier vous le faisait prévoir, j’ai noyé la migraine. Elle a fait ce qu’elle a pu et s’est montrée très agressive mais elle n’a pas résisté à une nuit à Pen-Mur….”. De sa passion pour l’ethnographie et la culture asiatique, il ramènera en France des documents photographiques et cinématographiques, ainsi que des objets que l’on peut admirer au Musée National des Arts Asiatiques (Musée Guimet à Paris). Sa présence dans notre commune, nous a laissé de nombreuses photo- graphies, tant de la campagne bordant l’étang de Pen- Mur que de scènes de la vie muzillacaise. Ces docu- ments nous ont servi dans la rédaction du livre “Si Muzillac m’était montré”. En 1993, la municipalité de Muzillac organisait en partenariat avec l’Association Auguste François dont le siège est à Paris, une exposi- tion, salle du Vieux-Couvent, relative à l’homme et à son œuvre tant documentaire que littéraire.