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Vincent JARLEGAN, une histoire de famille..

Un article de Ellen DANILO, descendante de Vincent JARLEGAN.

Arrivée en 2015 à Muzillac, après avoir grandi en Loire-Atlantique et un détour professionnel à Poitiers,
le nom de cette commune ne m’est pourtant pas inconnu. C’est en effet la commune de naissance de
mon ancêtre Vincent JARLEGAN, qui y a vu le jour en 1776 (il s’agit de mon numéro SOSA n° 52 pour
les connaisseurs !).
Vincent naît le 15/12/1776 dans le village de Kerdouret (orthographe de l’époque). Son père,
Guillaume JARLEGAN a 47 ans. Veuf suite à son premier mariage avec Françoise BOUILLARD décédée
en 1775, il se remarie le 19/02/1776 avec Gabrielle RIVAL, une jeune femme de 23 ans originaire de
Rangornan, village situé à Noyal Muzillac. Vincent est donc le premier enfant du couple, mais le dixième
enfant de son père ! Guillaume a eu en effet neuf enfants lors de son premier mariage, dont cinq au
moins sont décédés en bas âge (voir tableau récapitulatif à la fin de cet article).
La période de l’enfance ne sera sans doute pas drôle pour Vincent : première tragédie, le 28/02/1777,
son père meurt. Gabrielle RIVAL se retrouve donc veuve à 24 ans avec un bébé de moins de trois mois,
sans oublier les enfants du premier mariage de son mari : à cette époque, il reste au moins Laurence,
âgée de 15 ans, et Charlotte âgée de 6 ans. Il y a aussi peut-être Jacques, âgé de 20 ans, et Marie, âgée
de 14 ans, mais je n’ai retrouvé aucune trace de ces deux derniers après leur naissance. Et la série noire
ne s’arrête pas là : en 1778, c’est Guillemette LE FLOCH, la maman de Gabrielle RIVAL, donc la grandmère
de Vincent qui décède à l’âge de 44 ans (oui, vous avez bien lu, elle était donc plus jeune que son
gendre).
Gabrielle RIVAL se remarie le 31/07/1780 à Muzillac avec Claude LE BREDOUX. Ensemble ils auront six
enfants. Laurence JARLEGAN est la marraine de deux enfants LE BREDOUX. Elle a sans doute dû être
une aide précieuse pour sa famille et une seconde maman pour Vincent. Sur les six enfants LE
BREDOUX, trois décèderont en bas âge. Charlotte JARLEGAN mourra aussi à l’âge de 15 ans en 1785.
Vincent est donc confronté très tôt à la mort et sans doute aussi à la misère. Mais il survit et grandit :
le 6/01/1798 il se marie à Muzillac avec Jeanne LE CERF. En fait il épouse sa voisine : elle habite en
effet à Kerperthus, village où vit Vincent depuis quelques années avec sa mère et son beau-père. Les
deux familles se connaissent depuis longtemps puisque le père de Jeanne, Pierre LE CERF, était déjà
témoin au mariage de Claude LE BREDOUX et Gabrielle RIVAL. Vincent et Jeanne auront huit enfants,
nés entre 1798 et 1816. Vincent avait donc une quarantaine d’années lorsque a eu lieu à Muzillac les
événements dits de la « petite chouannerie » avec une bataille rangée entre chouans et républicains
près du moulin de Pen-Mur. Quels ont été ses sentiments ? Quelle était son opinion politique ? En
avait-il seulement une ?
En 1817, Jeanne LE CERF meurt, à l’âge de 43 ans. A ce moment, trois des huit enfants du couple sont
déjà décédés, le plus âgé de ceux qui restent a tout juste 17 ans.
En 1820, c’est Claude LE BREDOUX qui décède, au village de Keraud, non loin de l’étang de Pen-Mur.
Son acte de décès est intéressant à plus d’un titre ; déjà, le lieu : pourquoi le village de Keraud ? Y
aurait-il eu mésentente qui justifierait un déménagement loin de Kerperthus ? Par ailleurs sur cet acte,
Claude LE BREDOUX est qualifié de mendiant, ce qui présume de la misère ambiante. Enfin, dernier
détail qui a toute son importance, il est indiqué qu’il laisse deux enfants de son mariage avec Gabrielle
RIVAL ; parmi ces deux enfants il y a Marie, née en 1789 qui partira ensuite sur Sarzeau et peut-être
Françoise, née en 1782 dont je n’ai pas retrouvé les dates de décès. A moins qu’il ne s’agisse de
Vincent, qu’il a pratiquement élevé.
En 1822, Gabrielle RIVAL décède à son tour, à Keraud également. Sur son acte de décès il est indiqué
qu’elle laisse une fille issue de son second mariage avec feu Claude LE BREDOUX (là c’est sûr il s’agit
de Marie). Mais curieusement, de Vincent il n’est pas question !
Nous retrouvons la trace de Vincent en 1824 à Arzal : il y épouse en secondes noces Vincente DRENO,
elle-même veuve de Claude LE DIRACH dont elle a eu trois enfants dont l’aîné n’a pas encore dix ans.
Vincent a 48 ans, Vincente dix ans de moins. Ensemble ils auront deux enfants : Vincente, née en 1824,
deux mois après le mariage de ses parents (ceci expliquant sans doute cela !) et Pierre, né en 1826,
mon arrière-arrière-grand-père. A noter que Vincente et Pierre ne porteront pas le même nom que
leur père. L’orthographe des noms de famille étant encore très fluctuante, et comme les deux enfants
ne sont pas nés à Muzillac mais à Arzal (village de Kernéjeune), leur nom sera orthographié JARLIGANT
sur leur acte de naissance.
Vincent reste ensuite à Kernéjeune. Vincente DRENO y décèdera en 1843. Et Vincent lui survivra encore
de nombreuses années : il décède à Coetsurho (sans doute chez son fils Jean-Louis) en 1860 à l’âge
très honorable de 83 ans ! Sur son acte de décès il est indiqué qu’il laisse deux enfants de son premier
mariage (Il s’agit de Jean-René et Jean-Louis, décédés après 1860) et deux enfants du second (Vincente
et Pierre). Sur les dix enfants qu’il aura eu avec ses deux épouses, il en aura donc vu mourir six.
Intéressons-nous à Pierre, le petit dernier. Pierre grandit et part sur Assérac, de l’autre côté de la
Vilaine (le premier pont qui traverse la Vilaine à La Roche-Bernard est inauguré en 1839, avant on
prenait le bac). Gros changement : à Assérac, on ne parle pas le breton, qui est sans doute la langue
utilisée par Pierre. Pierre s’installe au village de Kerbernard, il y épouse la fille de son patron Marie-
Josèphe ANDRE (à noter que Vincent, déjà très âgé, ne sera pas présent au mariage de son fils, mais il
est bien précisé sur l’acte qu’il donne son consentement) dont il aura neuf enfants. Et là encore magie
de l’orthographe, les enfants de Pierre porteront le nom de famille GERLIGAND. Or ce nom auparavant
n’existait pas. Le premier porteur de ce nom est donc Marie-Françoise GERLIGAND née en 1860. Mon
arrière-grand-mère Cécile GERLIGAND, née en 1876, est la petite dernière de la fratrie. Elle détient un
record bien singulier : elle a 50 ans d’écart avec son père, 100 ans d’écart avec son grand-père et 147
ans d’écart avec son arrière-grand-père ! J’ai fait le calcul pour mon cas personnel, j’arrive à seulement
110 ans d’écart avec mon arrière-grand-parent le plus âgé. Et vous ?
Cette histoire met en évidence plusieurs réalités de l’époque :
– Une forte natalité : Guillaume JARLEGAN a eu 10 enfants, Vincent JARLEGAN en a eu 10
également. Et ce n’était pas extraordinaire à cette période. L’âge au mariage était plus bas que
celui d’aujourd’hui, mais n’allez pas croire que les femmes étaient toutes mariées dès l’âge de
15 ans, c’est une légende largement usurpée ! En général, les femmes se mariaient entre 20
et 25 ans, les hommes quant à eux étaient un peu plus âgés (8 – 10 ans d’écart au sein d’un
couple, c’est ce qu’on retrouve le plus souvent mais là aussi c’est loin d’être une règle
immuable). Et l’énorme différence par rapport à aujourd’hui, c’est l’absence de contraception
conjuguée à l’encouragement de l’église à avoir de nombreux enfants. Donc la femme, si elle
ne décède pas lors d’un accouchement, peut avoir des enfants sur une très longue période ;
Gabrielle RIVAL a par exemple eu son premier enfant à l’âge de 24 ans et son dernier à l’âge
de 45 ans. Les mamans quadragénaires n’étaient pas rares.
– Une forte mortalité : Les conditions d’hygiène et la misère ambiante entraîne une forte
mortalité, principalement chez les enfants, chez qui les épidémies font des ravages. On le voit
ici puisque chez Guillaume JARLEGAN, la moitié de ses enfants décèdent avant l’âge d’un an.
Sa fille Charlotte décède à l’âge de quinze ans. Et je ne sais pas ce que sont devenus Jacques
et Marie… Vincent n’a pas tellement plus de chance, puisqu’il voit mourir six de ses enfants. Il
faut déjà bien prendre conscience qu’une femme risque sa vie à chaque grossesse. Et que les
congés maternité n’existent pas, la femme travaille à la maison et aux champs et ceci de la
même façon quel que soit son état. En corollaire des décès fréquents de mères après un
accouchement, donc bien souvent un mari qui se retrouve veuf avec des enfants en bas âge,
ce qui rend un remariage aussi nécessaire qu’urgent. Les familles recomposées ne sont
absolument pas une innovation de notre siècle, elles étaient très courantes déjà lors des siècles
précédents.
– L’endogamie : En général on trouve son conjoint dans sa paroisse. On épouse quelqu’un que
l’on connaît ; pas trop quand même, car l’église interdit d’épouser quelqu’un de trop proche
selon les liens du sang. Le mariage peut s’apparenter à un jeu de fusion-acquisition qui permet
de réunir des terres, résoudre des conflits de voisinage… Les mariés se connaissent en général
depuis l’enfance. C’était sûrement le cas pour Vincent JARLEGAN et Jeanne LE CERF, voisins
d’âges assortis et semble-t-il de même niveau social. Mais ça n’exclut pas l’amour !
– La misère : On ne meurt plus de faim en France au XIXème siècle, du moins pas à grande
échelle. En particulier l’apparition de la pomme de terre va largement contribuer à résorber
l’insécurité alimentaire. Néanmoins il est dit que « la misère est supportable car familière ».
Au début du XIXème siècle, la révolution industrielle n’est pas encore arrivée dans nos
campagnes, l’agriculture se pratique de manière archaïque, avec énormément de travail
manuel. Des conditions de vie éreintantes, sans la moindre sécurité sociale. Un accident ou
une catastrophe climatique peut avoir des conséquences dramatiques pour une famille, c’est
sa survie qui est en jeu. Tout le monde doit travailler, y compris les enfants dès qu’ils sont en
âge de le faire. Les mendiants et les indigents sont nombreux, c’est le cas de Claude LE
BREDOUX et Gabrielle RIVAL.
Au final, je reprendrai cette citation de Jean-Louis Beaucarnot tirée de son livre « Réussir sa
généalogie » : « Le monde d’hier n’était pas un paradis ! On n’y était moins seul ; on était solidaire ; on
vivait au rythme de la nature. Mais n’idéalisez pas ! Ne voyez pas les seules vertus écologiques
apparentes. La vie de nos ancêtres était dure, très dure ; l’espérance de vie courte ; les maladies et les
souffrances nombreuses ; les mentalités rudes et grossières… Ne comparez pas ! Nos ancêtres vivaient
comme sur une autre planète et s’ils auraient du mal à vivre dans notre monde moderne, vous auriez
sans doute plus de mal encore à vivre dans le leur. »


Vincent JARLEGAN
Né le 15/12/1776 à Muzillac, village de Kerdouret
Décédé le 16/03/1860 à Muzillac, village de Coëtsurho, à l’âge de 83 ans


PARENTS
– Guillaume JARLEGAN 1729 – 1777
– Gabrielle RIVAL 1752 – 1822


UNIONS ET ENFANTS
Marié le 17 nivôse an VI (6/01/1798) à Muzillac avec Jeanne LE CERF (vers 1774 – 1817), dont :
– François 1798 – 1802
– Françoise 1800 – ??
– Perrine Françoise 1802 – 1811
– Jean 1806 – 1844, marié avec Perrine RIO, installé au Moustoir à Arzal
– Jean-René 1808 – 1882, marié avec Jeanne-Marie ROBINET, installé à Questembert
– Jean-Louis 1809 – 1890, marié avec Guillemette RIO, installé à Coëtsurho à Muzillac
– François 1812 – ??
– Nicole Julienne 1816 – 1816
Marié le 1/03/1824 à Arzal avec Vincente DRENO (1786 – 1843), dont :
– Vincente 1824 – 1868, mariée avec Jean-Pierre BURBAN, installée à Kersimono, Noyal Muzillac
– Pierre 1826 – 1903, marié avec Marie-Josèphe ANDRE, installé à Kerbernard, Assérac


DEMI-FRERES ET DEMI-SOEURS
Du côté de Guillaume JARLEGAN, avec Françoise BOUILLARD (vers 1728 – 1775)
– Jacques 1757 – ??
– Mathurine 1758 – 1758
– Anonyme 1760 – 1760
– Laurence 1761 – 1826, mariée avec Jean PLESSIS, installée à Noyal Muzillac
– Yvonne 1762 – 1762
– Marie 1762 – ??
– Anonyme 1765 – 1765
– Perrine 1768 – 1768
– Charlotte 1770 – 1785
Du côté de Gabrielle RIVAL, avec Claude LE BREDOUX (1754 – 1820)
– Françoise 1782 – ??
– Jeanne 1782 – 1782
– Laurence 1785 – 1785
– Perrine 1786 – 1813
– Marie 1789 – 1841, mariée avec Etienne LAUMONIER, installée à Sarzeau
– Jean-Pierre 1797 – 1800

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