Témoignage de Célestin GUIHENEUF, Botqueris Muzillac
Meurtre à la Grenouille En juillet 1944, les Américains avaient débarqué et bombardaient les troupes allemandes, les obligeants à se replier sur la poche de St [...]
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J’ai fait partie des maquisards concentrés à Saint Marcel et participé, comme pourvoyeur d’un fusil mitrailleur tenu par un parachutiste SAS à cette bataille du 18 juin 1944 à Saint-Marcel. Après la dislocation dramatique de ce maquis j’ai dû « me planquer» dans un petit village de La Gacilly chez un oncle pour échapper aux rafles organisées par les Allemands et les miliciens. Etant à La Gacilly, j’ai pu assister à l’arrivée des premiers Américains qui avaient coupé la Bretagne en une journée de Rennes à Redon, folles joies ce jour- là. Les jours suivants je suis revenu au Cours et j’ai rejoint mes compagnons de combat. Après les harcèlements très durs de convois allemands essayant de rejoindre la _poche de Saint Nazaire et qui ne circulaient que la nuit pour échapper à l’aviation Américaine, je fus affecté à la compagnie du capitaine Gougaud ses lieutenants étaient Fromentin et Alain.
On nous envoya sur les bords de la Vilaine, notre secteur était Billiers et en partie Arzal. La moitié surveillait les bords de la Vilaine et l’autre moitié était au repos au château de Prières à Billiers.
Au moment du débarquement allemand j’étais au repos à Billiers. Ayant reçu l’ordre de nettoyer nos armes nous le faisions et ensuite nous bavardions entre copains. Je me souviens très bien, étant assis sur le rebord d’une fenêtre au 1er étage, d’avoir vu arriver un cycliste très pressé et qui fonça vers les bureaux. Je fus intrigué mais je n’ai eu guère à attendre l’explication (quelques minutes) et je vis apparaître nos officiers nous criant << rassemblement, avec armes et munitions ».
Le rassemblement se fit rapidement. On nous mis au courant du débarquement allemand et nous sommes partis immédiatement à pied vers Billiers. A l’entrée de la ville nous tournons à droite et prenons la route d’Arzal tout de suite après. Un camion nous prend en charge mais il n’était pas très grand et ne pouvait prendre tout le monde. Pour ma part, je dû me contenter de m’asseoir à cheval, sur l’aile droite du camion. Nous roulons un moment et je me rends compte de la belle cible que nous représentons moi et mon ami sur l’autre aile. Pourvu que le camion ne roule pas trop loin. Un F.F.l. qui n’était pas de notre compagnie se trouvait sur la route. Nous lui demandons des renseignements sur l’emplacement des allemands. Il n’a pu nous renseigner mais nous dit qu’ils pouvaient se trouver dans un village que l’on apercevait sur notre droite, côté Vilaine donc.
Descente du camion et division de la troupe en deux colonnes pour investir le village. Je me trouve dans la colonne de droite. La colonne de gauche avait quelques minutes d’avance sur nous et à notre arrivée dans le village, j’aperçu un collègue de l’autre colonne qui se trouvait dans une petite ouverture dans le mur d’une grange qui fait feu à deux reprises. Il venait de faire fuir un allemand qui débouchait lui aussi dans le village venant d’un chemin creux, sans doute un éclaireur. Puis plus rien. Nous nous accroupissons le long du talus d’un champ juste en bordure du village et là le lieutenant Fromentin présent demande trois volontaires pour aller avec lui pour voir où étaient les Allemands.
Cela nous parut suicidaire, vu le terrain et bien sûr personne ne leva le petit doigt. Alors l’adjudant désigna les trois plus près du lieutenant. Hélas, j’en fais partie. Nous partons, non par le chemin creux, mais par le champ en longeant le talus, donc à découvert : quelle cible nous faisons ! Le lieutenant nous dit de marcher à cinq mètres environ de distance entre nous. J’étais l’avant dernier et je pensais ma dernière heure venue. Le champ était en longueur avec une montée d’environ 100 mètres et en haut de la butte il y avait de la « lande >>. Nous arrivons peut-être à une trentaine de mètres de cette lande (je n’avais pas pris le temps de mesurer) lorsqu’un coup de feu claqua et le lieutenant Fromentin s’écroula en hurlant. Tous les trois nous bondissons par-dessus le talus et atterrissons dans le chemin creux que nous dévalons à toute vitesse vers le village. Nous avons dit aux copains que le lieutenant venait d’être tué ce qui nous attira les foudres de l’adjudant qui nous donna l’ordre de nous taire (les Allemands ne devaient pas être nombreux en haut de ce champ sinon nous y passions tous les quatre). Peut-être, par punition, il nous donne l’ordre de nous positionner derrière « une tourelle de fagots de bois ».
Au bout d’un moment, ne voyant plus personne, nous tentons de nous replier en longeant un talus, mais une rafale tirée par les Allemands nous en dissuade. Les feuilles des arbres nous tombent sur la tête : retour derrière le tas de fagots. Quelques instants plus tard, un d’entre nous se retournant, nous avise que les Allemands étaient derrière nous, nous les voyons entrer dans un champ de choux (on plantait de grands choux à cette époque) où ils se planquaient. Leurs casques, brillant au soleil à l’entrée du champ, nous permettent de les repérer. Il fallait prendre une décision, notre attention se porte sur un ruisseau qui partait je pense du village, et descendait vers une petite vallée. Ce ruisseau avait sur ses bords beaucoup de grandes herbes ainsi que des petits saules. Nous nous sommes faufilés là-dedans sans être vus des Allemands. Nous marchons sûrement plus d’un kilomètre avant de retrouver nos camarades. Avant de retrouver les nôtres, nous avons passé un petit village ou une ferme où nous avons demandé à boire, nous mourions de soif. Quelqu’un dit à une jeune personne d’aller à la cave. Trouvant le temps un peu long je bois deux verres d’eau, mes copains en font autant. Les gens étaient très inquiets. Avant de partir on leur conseille de libérer toutes leurs bêtes et de se planquer eux-mêmes.
Nous retrouvons les nôtres, peu après, et à la nuit tombante nous nous trouvons au carrefour des routes (Billiers-Muzillac-Arzal) tout près des éoliennes actuelles. Après toutes ces émotions, un peu de repos était le bienvenu. Pour ma part, je somnolais dans la douvevers la route de Billiers, à seulement deux dizaines de mètres environ du carrefour. De l’autre côté du talus, un troupeau broutait et faisait du bruit. La nuit était tombée, Je ne dormais « que d’un œil >> comme on dit. J’entends le gars de faction crier « Halte, qui va là ? ». Il avait aperçu quelqu’un qui traversait la route tout près du rond-point, direction Arzal. Tout le monde était sur ses gardes, mais en très peu de temps la fusillade éclate. Les Allemands profitant du bruit des animaux se trouvaient tout près de nous et par endroits seulement le talus nous séparait. D’un bond, je traverse la route et saute dans le champ de blé noir en face, mais les balles sifflent à mes oreilles. Je me sauve par la douvede la route protégée par le talus. Par chance nous ne perdons qu’un homme dans ce champ de blé noir.
Nous nous dirigeons vers Muzillac. Nous n’allons pas plus loin, nous sommes arrêtés par les gars de la compagnie Ferré qui arrivaient en renfort et qui ont eu, hélas, un mort à déplorer en cette nuit à ma connaissance. Nous tentons de revenir sur Billiers dans cette nuit avec quelques copains nous trouvons un pailler où nous avons fini la nuit. Après un bon sommeil dans la paille, nous avons rejoint Billiers le lendemain dans la matinée. Je ne pense pas que les Allemands se soient avancés après le carrefour, ils se sont repliés vers leur point de départ et ont embarqué dans la nuit, ne faisant aucune razzia.
Dans mon souvenir, l’artillerie allemande n’est entrée en action qu’en fin d’après-midi et s’est prolongée en début de nuit. Ils tiraient en direction de Muzillac, visant surtout la route venant de Muzillac, vers le rond-point. Je pense qu’ils voulaient couper la route aux renforts qui ne pouvaient venir que de cette direction.
Le débarquement n’a pas été soutenu par un tir d’artillerie, nous l’aurions entendu. Je peux vous assurer que les Allemands ont traversé la Vilaine sans tirer un coup de fusil. Je pense, mais je n’en suis pas absolument sûr, que ceux des nôtres qui étaient de garde à cet endroit, n’étaient pas de notre compagnie. C’était l’époque des battages dans les villages. Les moissonneuses batteuses n’existaient pas encore et c’était gai. Par un bel après-midi ne pensant sûrement pas à un débarquement en plein après-midi, soit ils dormaient, soit ils s’amusaient avec les gens aux battages.
Ils ne s’apercevront de ce débarquement qu’après coup. La preuve, nous étions les premiers à nous mesurer avec les Allemands. La libération était récente et la discipline encore peu appliquée.
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