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Souvenirs d’un membre de la première compagnie F.F.l. du Morbihan

Engagement dans les FFI et maquis de St Marcel

J’ai fait partie  des maquisards concentrés à Saint Marcel et participé, comme pourvoyeur  d’un fusil mitrailleur tenu par un parachutiste SAS à cette bataille du 18 juin 1944 à Saint-Marcel. Après la dislocation dramatique  de ce maquis j’ai dû « me planquer» dans un petit  village de La Gacilly chez un oncle pour échapper aux rafles organisées par les Allemands et les miliciens. Etant à La Gacilly,  j’ai pu assister à l’arrivée  des premiers Américains qui avaient coupé la Bretagne en une journée de Rennes à Redon, folles joies ce jour- là. Les jours suivants je suis revenu au Cours et j’ai rejoint  mes compagnons de combat. Après les harcèlements très durs de convois allemands essayant de rejoindre la _poche  de Saint Nazaire et  qui ne  circulaient  que  la  nuit  pour  échapper  à l’aviation  Américaine, je fus affecté à la compagnie du capitaine Gougaud ses lieutenants  étaient  Fromentin  et Alain. 

Compagnie GOUGAUD à Prières et débarquement allemand

On nous  envoya sur les bords  de la Vilaine, notre  secteur était  Billiers  et en partie  Arzal. La moitié  surveillait  les bords  de la Vilaine et l’autre  moitié  était  au repos au château de Prières à Billiers.

Au moment  du débarquement allemand j’étais au repos à Billiers. Ayant reçu l’ordre  de nettoyer  nos armes nous le faisions et ensuite nous bavardions entre copains. Je me souviens très bien, étant assis sur le rebord d’une fenêtre au 1er étage, d’avoir vu arriver un cycliste très pressé et qui fonça vers les bureaux. Je fus intrigué  mais je n’ai eu guère à attendre  l’explication (quelques minutes) et je vis  apparaître   nos  officiers   nous  criant  <<   rassemblement,  avec  armes  et munitions  ».

Le rassemblement se fit rapidement. On nous mis au courant du débarquement allemand et nous sommes partis immédiatement à pied vers Billiers. A l’entrée de la ville  nous tournons  à droite  et prenons  la route  d’Arzal tout  de suite après. Un camion  nous prend  en charge mais il n’était pas très grand et ne pouvait prendre tout le monde. Pour ma part, je dû me contenter  de m’asseoir à  cheval, sur l’aile droite  du camion. Nous roulons un moment  et je me rends compte de la belle cible que nous représentons moi et mon ami sur l’autre aile. Pourvu que le camion ne roule pas trop loin. Un F.F.l. qui n’était pas de notre compagnie se trouvait  sur la route. Nous lui demandons des renseignements sur l’emplacement  des allemands. Il n’a pu nous renseigner mais nous dit qu’ils pouvaient se trouver dans un village que l’on apercevait sur notre droite, côté Vilaine donc.

Descente du camion et division de la troupe en deux colonnes pour investir le village. Je me trouve  dans la colonne de droite.  La colonne de gauche avait quelques minutes d’avance sur nous et à notre arrivée dans le village, j’aperçu un collègue de l’autre colonne qui se trouvait dans une petite ouverture dans le mur d’une grange qui fait feu à deux reprises. Il venait de faire fuir un allemand qui débouchait  lui aussi dans le village venant d’un chemin creux, sans doute un  éclaireur.  Puis plus rien.  Nous nous  accroupissons le long du talus  d’un champ  juste  en  bordure   du  village  et  là  le  lieutenant Fromentin  présent demande   trois   volontaires   pour   aller  avec  lui  pour   voir   où  étaient   les Allemands.

Cela nous parut suicidaire, vu le terrain  et bien sûr personne  ne leva le petit doigt. Alors l’adjudant  désigna les trois plus près du lieutenant.  Hélas, j’en fais partie. Nous partons, non par le chemin creux, mais par le champ en longeant le talus, donc à découvert : quelle cible nous faisons ! Le lieutenant  nous dit de marcher à cinq mètres environ de distance entre nous. J’étais l’avant dernier et je pensais ma dernière  heure venue. Le champ  était  en longueur  avec une montée d’environ  100 mètres et en haut de la butte il y avait de la « lande >>. Nous arrivons  peut-être  à une trentaine  de mètres de cette lande (je n’avais pas pris le temps de mesurer) lorsqu’un  coup de feu claqua et le lieutenant Fromentin  s’écroula en hurlant. Tous les trois  nous bondissons par-dessus le talus et atterrissons  dans le chemin creux que nous dévalons à toute  vitesse vers le village. Nous avons dit aux copains que le lieutenant  venait d’être tué ce qui nous attira  les foudres de l’adjudant qui nous donna l’ordre  de nous taire (les Allemands ne devaient pas être nombreux en haut de ce champ sinon nous y passions tous les quatre). Peut-être, par punition, il nous donne l’ordre  de nous positionner derrière « une tourelle de fagots de bois ».

Au bout d’un moment,  ne voyant plus personne, nous  tentons de nous replier en longeant un talus, mais une rafale tirée par les Allemands nous en dissuade. Les feuilles des arbres nous tombent  sur la tête : retour derrière le tas de fagots. Quelques  instants  plus  tard,   un  d’entre  nous  se retournant, nous  avise que  les Allemands étaient  derrière  nous, nous les voyons entrer  dans un champ de choux (on plantait de grands choux à cette époque) où ils se planquaient. Leurs casques, brillant  au soleil à l’entrée du champ, nous permettent de les repérer. Il  fallait  prendre  une décision, notre  attention se porte  sur un ruisseau qui partait  je pense du village, et descendait  vers une petite  vallée. Ce ruisseau avait  sur ses bords beaucoup de grandes herbes ainsi que des petits  saules. Nous nous  sommes  faufilés  là-dedans  sans être  vus  des  Allemands.  Nous marchons sûrement plus d’un kilomètre avant de retrouver nos camarades. Avant de retrouver  les nôtres, nous avons passé un petit  village ou une ferme où nous avons demandé à boire, nous mourions  de soif. Quelqu’un dit à une jeune personne d’aller à la cave. Trouvant le temps un peu long je bois deux verres d’eau, mes copains en font autant. Les gens étaient très inquiets. Avant de partir on leur conseille de libérer toutes leurs bêtes et de se planquer  eux-mêmes.

Nous  retrouvons   les  nôtres, peu  après, et  à  la  nuit  tombante   nous  nous trouvons   au carrefour   des  routes   (Billiers-Muzillac-Arzal)   tout près  des éoliennes  actuelles.  Après  toutes  ces émotions,  un  peu  de  repos  était  le bienvenu. Pour ma part, je somnolais dans la douvevers la route de Billiers, à seulement  deux dizaines de mètres environ  du carrefour.   De l’autre  côté du talus, un troupeau  broutait  et  faisait du  bruit.  La nuit  était  tombée, Je ne dormais  « que  d’un  œil >>    comme  on  dit. J’entends  le gars de faction  crier « Halte, qui va là ? ». Il avait aperçu quelqu’un qui traversait la route tout près du rond-point, direction Arzal. Tout le monde était sur ses gardes, mais en très peu de temps la fusillade éclate. Les Allemands profitant du bruit  des animaux se trouvaient tout  près  de  nous  et  par  endroits  seulement  le  talus  nous séparait. D’un bond, je traverse la route et saute dans le champ de blé noir en face, mais les balles sifflent à mes oreilles. Je me sauve par la douvede la route protégée  par  le talus.  Par chance nous  ne perdons  qu’un  homme  dans ce champ de blé noir.

Nous nous dirigeons vers Muzillac. Nous n’allons pas plus loin, nous sommes arrêtés par les gars de la compagnie Ferré qui arrivaient  en renfort  et qui ont eu, hélas, un mort à déplorer en cette nuit à ma connaissance. Nous tentons de revenir  sur Billiers  dans cette  nuit  avec quelques copains nous trouvons  un pailler  où nous avons fini la nuit.  Après un bon  sommeil dans la paille, nous avons rejoint  Billiers le lendemain  dans la matinée. Je ne pense pas que les Allemands  se soient avancés après le carrefour, ils se sont repliés vers leur point   de  départ  et  ont  embarqué  dans  la  nuit,  ne  faisant  aucune  razzia. 

Pourquoi ce raid allemand ?

Dans mon  souvenir,   l’artillerie  allemande  n’est  entrée  en  action  qu’en  fin d’après-midi et s’est prolongée en début de nuit. Ils tiraient  en direction  de Muzillac, visant surtout la route venant de Muzillac, vers le rond-point. Je pense qu’ils  voulaient  couper la route  aux renforts  qui ne pouvaient  venir que de cette direction.

Le débarquement  n’a  pas été  soutenu  par  un tir  d’artillerie, nous l’aurions entendu. Je peux vous assurer que les Allemands ont traversé la Vilaine sans tirer un coup de fusil. Je pense, mais je n’en suis pas absolument sûr, que ceux des nôtres qui étaient de garde à cet endroit, n’étaient pas de notre compagnie. C’était  l’époque  des battages dans les  villages. Les moissonneuses batteuses n’existaient pas encore et c’était gai. Par un bel après-midi ne pensant sûrement pas à un débarquement en plein après-midi, soit ils dormaient, soit ils s’amusaient avec les gens aux battages.

Ils ne s’apercevront de ce débarquement qu’après coup. La preuve, nous étions les premiers à nous mesurer avec les Allemands. La libération  était récente et la discipline encore peu appliquée.

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